Danser en festival → l'expérience avignonnaise

17.7.2023
24.7.2023
Danser en festival → l'expérience avignonnaise
©Valentin Tableau

 Du 17 au 24 juillet 2023, la Compagnie du Créahmbxl a présenté le spectacle de danse Connexions au festival d’Avignon. Une expérience inédite, intense, nourrie de la vie en communauté et de la rencontre avec le public.

Chaleur

Pour la première incursion du Créahmbxl à Avignon, une compagne s’est imposée : la chaleur.  Dans le programme de la journée, les séances de tractage succédaient aux représentations et les trajets d'un lieu à l'autre pouvaient s’allonger. « Les danseurs et danseuses présentaient la première scène de leur spectacle au public de passants, » explique Simon-Pierre Toussaint, directeur de l’association. « Elle se clôture normalement par leur corps au sol, mais le jour où nous étions devant le Palais des Papes, les dalles de pierre étaient trop chaudes, à 38°, c’était impraticable. »

La troupe acquiesce : « Chaud, moustiques, » bondit Xavier Dembour, alors que Virginie Vandezande rappelle « les après-midi à se rafraichir à la piscine » et « les boissons bleues » et glacées après avoir « dansé dans la rue » où « c’était rempli (de monde). » Elle ajoute que le soleil lui procurait ses plus beaux moments : « quand il se couchait pendant la promenade après avoir mangé ».

Bref, la chaleur n’empêche pas une clameur enthousiaste de la part des danseur·seuses à l’idée de renouveler l’expérience. Toute la troupe repartirait sans hésiter. Car… « Il y a eu des gens qui sont venus nous voir exprès. »

Ce public, c’était au départ le sujet d’angoisse de Simon-Pierre Toussaint qui, durant les séances de tractage, songeait aux trente spectacles qui se jouaient en même temps que Connexions. Voire au pari de présenter de la danse dans un festival de théâtre. Un défi relevé. Le spectacle a rassemblé plus d’une centaine de spectateur·trices dans la petite salle de LaScierie. Ils et elles ont été gagné·es par l’émotion, souvent jusqu’aux larmes.

« Avec finesse, les danseurs dansent ce passage de l'ouverture de soi à l'autre, ce lien qui peut se construire dans la confiance et le respect de chacun... » « L'émotion que j'ai ressentie pendant ce spectacle m'habite encore, » partagent les présent·es sur Facebook. Leur émotion a touché les danseurs et danseuses, particulièrement après la dernière représentation, la plus réussie selon eux. « Le dernier jour, » dit Edouardo della Faille, « c’était presque le désespoir, cette dame qui pleurait après le spectacle, si émue. » Il a écrit une phrase à ce sujet dans le cahier qui ne le quitte jamais : « Le désespoir jette des regards. »

Confiance

Personne n’a plus tremblé et structuré cette expérience que Joëlle Shabanov, la chorégraphe et créatrice de Connexions. « Il y avait à la fois la gestion humaine et l’objectif artistique : présenter le spectacle, rassembler un public, le séduire. » C’était la première fois qu’une telle série de représentations s’enchainaient. Et leur première fois au festival d’Avignon. Une expérience « très intense », sourit celle qui « anticipe toutes les difficultés possibles pour les danseurs » et du coup, angoisse. « Nous étions novices », ajoute-t-elle, « peut-être que le public attendait des explications ? » Elle rapporte, au-delà de cette interrogation, « de bons échanges à propos du spectacle, des personnes qui avaient réellement lu sa construction et perçu les intentions. »

Elle a conscience qu’aller au festival « sans avoir besoin de répétitions » était un confort. Restait l’enfilade d’actions qui se succédaient au fil des jours : « s’échauffer le matin, danser, ranger après le spectacle, manger, tracter, se reposer. » Elle suivait ses danseurs et danseuses : « les lever, les habiller, les préparer, c’est impossible à déléguer. »

Les photographies montrent un groupe soudé autour d’elle qui avoue « son exigence ». « Si je suis rigoureuse », dit-elle, « c’est aussi parce que je sais qu’ils peuvent faire ce que je demande, qu’ils en seront fiers, que cela renforcera leur confiance. »

Edouardo della Faille garde d’ailleurs de son séjour à Avignon l’image « du sourire de Joëlle, le plus rayonnant » à l’issue de la série de représentations. Il précise qu’il était, durant ce séjour, « entre l’angoisse et la détente » parce qu’il s’agissait « d’un dépassement de soi ». Julie L’Hôte témoigne de la présence apaisante de la chorégraphe : « Joëlle m’a aidé à surmonter mon stress, elle me disait ça va ça va. » Xavier, fier de s’être« donné à fond la caisse », intervient : la troupe était blindée« de motivation, tout le monde s’est trempé. »

Ensemble

Marion De Spiegelaere avait en charge la vie quotidienne à Avignon avec la préparation des repas pour les danseurs, danseuses et toute l’équipe du Créahmbxl, rassemblés dans un lieu et menant une vie commune. Elle a testé des boulangeries, respecté les régimes et « peu à peu étendu ses services, » dit-elle en souriant, avec l’invention d’un salon de beauté et coiffure, qui assurait maquillage et brushing et puis, comme le séjour avançait, « massage du visage et des mains. Un peu de légèreté dans ces moments de vie ».

De ces moments de détente partagés, elle pointe la musique à fond et les karaokés de comédies musicales improvisés dans la voiture.  « Les deux soirées dansantes. » La première fêtait l’anniversaire de Virginie. Les danseurs et danseuses la taguent #momentpréféré. Et aussi « le bain dans la rivière glacée » lors de la journée off, en randonnée. « Pas glacée, gelée, j’ai nagé, » commente Xavier.

D’eux, les danseurs et danseuses de Connexions, Marion De Spiegelaer pointe « le professionnalisme ancré. Ils y mettent toute leur énergie ». De la vie ensemble avec ce groupe soudé, elle s’émeut : « quelque chose de beau sort de ces relations. »

Énergie

« Nous avons reçu de cette énergie qui circulait, » écrit Valentin Tableau, qui participait à « l’Expérience Avignonnaise », et par là lui aussi évoque l’énergie des artistes, contagieuse, lors des représentations.

Si elle baissait après les matinées bien remplies, les siestes de l’après-midi la réalimentaient. C’est alors que Sassoun Demirci, le cinéaste de l’équipe, sortait sa caméra et réalisait des capsules expérimentales avec la troupe. Second tag #momentpréféré de leur part. Ils en parlent comme d’un cadeau. Virginie a été filmée « dans le noir, avec la lumière des phares », Edouardo « perché dans un arbre », sur une plateforme naturelle », Xavier « dans la piscine sous l’eau », séquence qui a frappé Julie.

« Piscine, fléchettes, glaces, » reprend Valentin qui accompagnait les temps de récupération au quotidien. Puis, en insert, il énumère les moments d’exception, « une visite de l’ile de la Sorgue, celle de l’exposition Mouvement et lumière de la Fondation Villa Datris et les deux représentations de la Compagnie Carré blanc et du collectif Indigo auxquelles a assisté "la fabuleuse équipe". »

Selon Xavier, rien de tout cela n’aurait tenu, la vie ensemble n’aurait pas eu cette saveur, sans« la papote ». Le soir, chacun et chacune disait sa vérité du jour, « les ressentis, les difficultés, les moments traversés », précise Valentin, « la gratitude ou le plaisir. » Et le tout enflait et s’apaisait de l’écoute des autres avant que, le lendemain, le cycle reprenne.

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